Comment réussir la transformation du pont Anne-de-Bretagne ?

Nantes Nantes Métropole, le 7 janvier 2022

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Dernier franchissement de la Loire en cœur de ville, l’ouvrage va se métamorphoser à l’horizon 2026–2027. Un atelier citoyen a été mis en place pour enrichir la réflexion sur ses futurs usages : accueil des différents modes de transport, lieu d’événements publics, lien au fleuve et à la nature…

« J’aimerais que ce pont ait de la gueule ! Qu’on ait envie de le traverser, qu’il ne soit pas juste un ouvrage pour passer d’une rive à l’autre. » Karine, une habitante du quartier Saint-Clément, est véritablement « sur le pont » en ce samedi de novembre. Membre de l’atelier citoyen dédié à la transformation du pont Anne-de-Bretagne, elle participe à une déambulation avant de travailler en petit groupe sur les enjeux de l’opération, qui se concrétisera à l’horizon 2026–2027. 

L’ouvrage qu’elle arpente est stratégique. Construit en 1975 là où s’élevait autrefois le pont transbordeur de Nantes, le pont Anne-de-Bretagne relie le quai de la Fosse à l’île de Nantes, jetant sontablier de 150 m au-dessus du bras de la Madeleine.

C’est le dernier franchissement de la Loire en centre-ville, avant Cheviré, et donc un point de passage obligé entre quartiers d’habitation, lieux de travail, équipements touristiques. « Ce pont est un axe essentiel, à la fois pour les déplacements et dans la continuité de la promenade nantaise, cette branche de l’étoile verte qui part de la gare jusqu’au Bas-Chantenay, résume Sophie Louis, cheffe de projet à la direction de l’espace public de Nantes Métropole. Mais il est aujourd’hui étriqué, et l’intention est de lui donner plus d’espace. »

Un engagement né du grand débat « Loire »

Cette transformation a été actée fin 2015 à l’issue du Grand Débat « Nantes, la Loire et nous ». L’engagement n°20 prévoit d’« élargir/doubler le pont Anne-de-Bretagne ». Objectifs : augmenter ses capacités de franchissement en accueillant tous les modes de déplacement, dont les transports en commun, mais aussi contribuer à la reconquête des espaces publics du quai de la Fosse, entre la gare et l’île de Nantes. Le tout en préservant la navigabilité du fleuve.

Pour mener à bien ce chantier techniquement complexe, estimé à 50 millions d’euros, Nantes Métropole a choisi de réaliser le pont via un marché de conception-réalisation. Après une consultation ouverte, trois équipes parmi les huit ayant candidaté ont été désignées en mai 2021. Chacune doit proposer un avant-projet et le peaufiner avec les équipes de la Métropole. L’équipe lauréate sera désignée en septembre prochain au terme de ce « dialogue compétitif ».

Un atelier citoyen dédié

C’est ici qu’interviennent les habitants et usagers de la métropole nantaise. « Les élus ont souhaité les associer en mettant en place un atelier citoyen dédié à la transformation du pont, explique Marielle Barré-Villeneuve, qui supervise cette démarche pour la Métropole. Nous allons chercher le point de vue de l’usager, ce qu’il est important de dire aux concepteurs : l’atelier citoyen alimentera le dialogue compétitif et permettra d’éclairer la décision des élus. » 

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« Concevoir en association avec ses différents usagers un pont offrant une accessibilité universelle, imaginer un espace nouvel espace public riche des attentes et envies des habitants et habitantes est un défi que nous saurons relever », assure Bassem Asseh, premier adjoint, en charge du dialogue citoyen. 

Mis en place après un appel à candidatures et un tirage au sort, l’atelier citoyen réunit 26 personnes : un tiers d’« usagers de la centralité métropolitaine », un tiers de Nantais et un tiers d’habitants d’autres communes de la métropole. Ses travaux ont débuté en novembre et s’inscrivent dans la continuité de précédentes démarches participatives : « Développement des nouvelles lignes de tramway » en 2020–2021, qui a confirmé la nécessité de transformer le pont Anne-de-Bretagne, « La rue pour tous », ateliers citoyens sur la Petite-Hollande et sur l’île de Nantes, plans d’urbanisme et de déplacements urbains… « En tout sept concertations, qui ont débouché chaque fois sur des engagements, rappelle Marielle Barré-Villeneuve. On ne remet pas en question ces travaux, on s’appuie dessus, c’est un socle pour l’atelier citoyen. »

Différentes instances ont aussi planché sur le projet, pour éclairer les travaux de l’atelier : Conseil de la nuit, comité des partenaires de la mobilité, commission permanente Loire, accessibilité universelle, égalité femmes-hommes… Et les études de faisabilité ont permis d’esquisser les grands principes de l’ouvrage. Ses dimensions exceptionnelles – 35 à 50 m de large et 140 à 160 m de long – formeront un vaste espace public, avec une place importante pour les déplacements à pied ou à vélo.

Quatre ambitions pour le projet

Au final, l’équipe retenue devra concevoir un pont répondant à quatre orientations majeures, toutes imbriquées. Anne-de-Bretagne deviendra un « pont-place »,un lieu propice à la flânerie et qui pourra accueillir des manifestations publiques. Ce sera aussi un « pont nature », végétalisé, en lien avec les berges et intégré à la trame verte. Sa conception aura un impact environnemental limité. Troisième ambition : un « pont ligérien », qui participe à reconnecter la ville à son fleuve. « Des discussions ont été menées avec différents usagers du fleuve, pour maintenir la navigabilité alors qu’il est prévu d’abaisser le pont d’un mètre dans sa partie centrale pour qu’il soit accessible aux personnes en situation de handicap », précise Sophie Louis. 

Le quatrième point – un « pont apaisé » – concerne les flux de circulation. Les enjeux sont ici particulièrement sensibles. Et les contraintes, fortes, comme le montre l’exemple des futures voies de tramway. Venues de l’un ou l’autre côté du quai de la Fosse, les lignes 6 et 7 franchiront la Loire pour se diriger vers le boulevard Léon-Bureau. « Pour des questions de rayon de giration par rapport au Mémorial, les voies devront s’insérer sur le nouvel ouvrage à l’ouest du pont existant », poursuit la cheffe de projet. Une fois cela posé, reste à considérer les autres modes de déplacement : si le pont conserve une voie de circulation automobile dans chaque sens, « des espaces généreux seront réservés aux piétons. Le pont intégrera aussi un des axes magistraux du futur réseau vélo métropolitain ». 

Les membres de l’atelier citoyen enchaîneront des séances de travail jusqu’à juillet prochain. Au fil de ces rencontres, ils se familiariseront avec les contraintes du projet, auditionneront les trois équipes candidates, formuleront des recommandations, rédigeront un avis citoyen et le présenteront aux élus… « Si des sujets de fond sont déjà actés, j’espère que l’on conservera des marges de manœuvre », témoigne Françoise, proche riveraine et membre de l’atelier, alors que débute cette course de fond. 

La collectivité a tenu à associer les habitants jusqu’au bout de la démarche : une délégation de l’atelier participera ainsi à l’audition finale, par la commission chargée de désigner le lauréat, des trois groupements d’entreprises candidats. Le pont Anne-de-Bretagne sera alors tout près de basculer dans une nouvelle ère.

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Questions à Thomas Quéro, adjoint délégué à l’espace public citoyen

La transformation du pont fait l’objet d’un « dialogue compétitif » entre trois équipes : quels avantages a cette démarche ?

D’habitude, nous recevons des offres qui sont figées et on les examine. Ici, on étudie de premières propositions puis nous avons des allers-retours avec les équipes. Cela permet de repréciser le projet au fur et à mesure. C’est une démarche de réflexion, avec au final un projet bien mieux adapté à nos besoins.

Pourquoi avoir associé les habitants à ce processus ?

Le futur pont n’aura pas grand-chose à voir avec l’ouvrage existant : capacité de transport augmentée, fonction de place, point de vue sur le fleuve et la ville, végétalisation… C’est un projet très fort, inscrit pour plusieurs décennies ! Et c’est parce qu’on doit trouver des réponses à l’ensemble de ces usages qu’il est nécessaire d’associer un groupe de citoyens. Ces habitants seront là à chaque étape du dialogue compétitif entre les trois équipes qui travaillent sur le pont. Ils remettront un avis citoyen et la collectivité s’est engagée à y répondre, comme elle l’a fait pour de précédentes concertations.

Témoignages

« Le projet m’intéresse sur la question de l’urbanisme, des choix de mobilité qui sont faits : la réduction des flux de voitures pour privilégier les déplacements doux et les transports en commun. Ça m’intéresse de confronter mon point de vue avec celui de gens qui n’ont pas les mêmes préoccupations, le même âge… »

Céline

« Je voulais me rendre compte par moi-même du processus de concertation des habitants, si leur avis est vraiment pris en compte. Je suis curieuse de voir comment vont se concilier la circulation des transports en commun, les vélos et les piétons, sans laisser de côté les voitures. »

Sophie

« La végétalisation, l’écoconstruction, l’impact environnemental du chantier seront pour moi des sujets importants. Et puis j’aimerais ne pas avoir peur en prenant ce pont, que ce soit un endroit où je me sente en sécurité. »

Karine

« J’ai été tirée au sort pour l’atelier citoyen et j’ai accepté de participer parce que consulter les habitants est une bonne chose. J’étais curieuse de voir comment allait se dérouler la démarche sur ce projet, très structurant pour la ville. »

Marie