Une évaluation participative pour repenser la restauration scolaire avec les citoyens
A l’occasion de la publication du Cahier de l’évaluation “Quel modèle de restauration scolaire pour demain ?” les élu.e.s Ghislaine Rodriguez et Bassem Asseh reviennent sur la démarche d’évaluation participative qui a mobilisé pendant un an, l’ensemble des acteurs concernés sur le territoire, pour “faire évoluer le modèle de restauration scolaire en le rendant plus accessible à toutes et tous et plus respectueux de la santé des enfants et de l’environnement”.
Interview croisée de Ghislaine Rodriguez, adjointe à l’éducation, à la réussite éducative et à la restauration scolaire, et de Bassem Asseh, premier adjoint à la proximité, au dialogue citoyen, à la politique de la ville, au monde économique et à l’emploi, à retrouver dans le dernier numéro des Cahier de l’évaluation. |
Dans quel contexte cette démarche d’évaluation de la restauration scolaire s’inscrit-elle ?
Ghislaine Rodriguez : Elle s’inscrit dans la continuité d’engagements de mandat conséquents sur la restauration scolaire : sortie du plastique avec un passage à l’inox, augmentation de la part des produits locaux et bio, réduction du gaspillage alimentaire. Ces engagements se traduisent dans un plan d’actions « Agir pour une restauration saine et responsable », nourri par ailleurs par des contributions de parents et de collectifs experts. L’alimentation est au cœur de forts enjeux de démocratie, de santé, d’éducation et tout cela se joue dans l’assiette de nos enfants et, en particulier, dans l’outil de production qu’est notre cuisine centrale. Au final, il s’agit de faire évoluer le modèle de restauration scolaire en le rendant plus accessible à toutes et tous et plus respectueux de la santé des enfants et de l’environnement.
À quels enjeux répond-elle ?
G. R. : La consultation menée auprès des familles (1) a mis en évidence des enjeux insuffisamment traités alors même qu’ils sont au cœur de leurs préoccupations. Ainsi, la fréquentation du restaurant scolaire varie fortement en fonction du quartier où l’on habite : 56 % des enfants scolarisés dans un quartier prioritaire déjeunent à la cantine, soit à peine plus d’un enfant sur deux contre 78 % dans les autres écoles. Cet enjeu d’accessibilité du service a donc été mis au débat. La question du « fait maison » est un autre thème que nous souhaitions questionner pour répondre à l’enjeu d’une alimentation plus saine et responsable.
Pourquoi avoir initié un dialogue citoyen sur la restauration scolaire ?
Bassem Asseh : Pour éclairer la décision des élus sur la refonte du modèle de restauration scolaire, un diagnostic (2) a été réalisé par un institut d’études indépendant en 2022. Il nous a permis de conforter plusieurs orientations (évolution vers du « fait maison », développement de l’offre végétarienne…) mais a aussi révélé des attentes des familles auxquelles le service actuel de restauration scolaire ne répond pas complètement : sensibilisation des enfants aux questions d’alimentation, prise en compte de la diversité de choix dans les menus… Également, les parties prenantes de la restauration scolaire (familles, agents…) ont exprimé leur souhait de davantage s’impliquer dans les décisions qui les concernent. C’est ce triple enjeu –éducatif, social et démocratique – que nous avons voulu mettre en débat au travers de cette démarche participative
Pourquoi avoir souhaité entendre à la fois les familles, les enfants et les acteurs de la communauté éducative et comment avez-vous procédé ?
B. A. : Tout l’intérêt du dialogue citoyen est de permettre à une diversité de points de vue de s’exprimer pour nourrir et éclairer la décision publique (3). Au travers d’un débat contradictoire, la réflexion avance collectivement et fait émerger des préconisations, des angles morts, des priorisations. Dans le cadre de la restauration scolaire, il est apparu important d’intégrer au processus de dialogue citoyen les parents des élèves qui ne mangent pas à la cantine pour comprendre les importants écarts de fréquentation d’un établissement à un autre. Les enfants étant les bénéficiaires finaux de la politique de restauration scolaire, nous avons aussi veillé à ce que leurs paroles soient entendues au même niveau que celle des autres acteurs grâce à des modalités d’animation adaptées à leur âge. Enfin, les professionnels et acteurs de la communauté éducative ont également été associés à l’évaluation.
G. R. : Comment demander l’avis des enfants et en rendre compte pour qu’ils se sentent pleinement participants à la démarche ? Interrogés dans le cadre de l’enquête menée par TMO avec l’aide d’animateurs périscolaires, les enfants ont eu un apport à cette démarche en attirant l’attention des adultes, non pas seulement sur le contenu de l’assiette, mais sur les conditions dans lesquelles ils prennent leur repas : ambiance, bruit… Au-delà de la restauration scolaire, la prise en compte du point de vue de l’enfant est un axe que nous allons continuer à investir sur ce mandat. La Ville de Nantes est d’ailleurs signataire de la charte « Ville amie des enfants » initiée par l’Unicef depuis 2003.
(1) Consultation des familles et des enfants – Synthèse, TMO pour la Ville de Nantes, novembre 2022.
(2) Réalisation d’un diagnostic partagé de la restauration scolaire état des lieux final, TMO pour la Ville de Nantes, septembre 2022.
(3) Les choix faits par la Ville de Nantes seront expliqués dans une réponse argumentée présentée par les élus aux participants du dialogue citoyen, le 12 décembre 2023.
Retrouvez cette interview, et les enseignements de l’évaluation participative, dans le dernier numéro des Cahiers de l’évaluation “Quel modèlede restauration scolaire pour demain ?”
Crédit photos : Garance Wester