Le récit des hôtels-Dieu nantais par deux passionnants docteurs en histoire et histoire de l’art.
Une conférence sur l’étude historique des hôtels-Dieu nantais, du Moyen-Âge à nos jours, a réuni un large public dans l’auditorium de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes, ce mercredi 6 novembre. Lény Charrier (Docteur en histoire de l’art) et Pol Vendeville (Docteur en histoire), étaient présents pour faire le récit de l’intérêt patrimonial de ce site exceptionnel.
Le récit des premiers hôtels-Dieu nantais, des berges de l’Erdre au bras de la Madeleine.
La conférence a débuté en remontant le temps jusqu’au Moyen-Âge, au IXe siècle et aux premiers établissements de soins et d’hospitalité nantais ; une époque qui précède la fondation du premier hôtel-Dieu sur les berges de l’Erdre (1502–1655). L’hôpital est ensuite déplacé du site central à l’île Gloriette dans le premier hôtel-Dieu de la Madeleine (1642–1856). Sur le même site, un nouvel hôtel-Dieu, à la structure pavillonnaire, est ouvert en 1856 et exploité jusqu’aux bombardements de 1943 qui provoquent sa démolition presque totale. L’étude historique a permis de comprendre et de situer, dans leur époque et en comparaison avec d’autres hôpitaux français, la conception de chacun de ces établissements.
Nouvel Hôtel-Dieu de Nantes vue à vol d’oiseau prise au-dessus du Pont de la Belle- Croix, [s.n.] [XIXe s.] [AM N, 2Fi 146].
Une évolution de la médecine révélée par l’organisation et l’architecture des lieux.
L’Histoire des hôtels-Dieu successifs révèle la transformation de la ville de Nantes et nous raconte plus largement l’évolution de la médecine, de son apprentissage, et des progrès dans la conception du soin, la considération des patients ou les mesures sanitaires. Ces avancées prennent corps dans l’organisation et la construction des hôpitaux successifs, et particulièrement dans l’interprétation qu’en fera Michel Roux-Spitz, après la guerre, avec la modernité de son époque…
Hôtel-Dieu de Nantes. Une salle de malade, [s.n.], [s.d.] [AM N, 9Fi 1873].
Un hôpital témoin de la reconstruction d’après-guerre, de la pensée et de l’architecture du XXe siècle.
Pour commencer le récit de l’édification de l’Hôtel-Dieu actuel, et éclairer sur la vision de son concepteur, le conférencier a choisi cette déclaration de Michel Roux-Spitz en 1945 : “La seule technique qui commande est celle qu’impose la fonction : “l’usine de santé" dicte le bâtiment.(…) tout ne doit viser qu’à satisfaire la fonction. Le but est de créer l’organisme, répondant à ce double but: d’être une « machine de santé » et un grand établissement de protection de l’homme ». À travers les images d’archive, les historiens ont ensuite retracé les fonctions et leurs évolutions, du projet initial de Michel Roux-Spitz au bâtiment achevé dans les années soixante, jusqu’aux édifices plus récents.
Les 5300 tonnes d’ossature métallique du bâtiment-croix de Michel Roux Spitz reposent sur 2282 pieux, enfoncés à 26 ou 27 m de profondeur. (roux-Spitz, Michel, Michel Roux- Spitz : réalisations, 1943–1957, Pa- ris, Ed. Vincent, Fréal & Cie, vol. 3, 1959.)
Le fruit d’un long travail de recherche en quête de 300 ans d’Histoire.
Comment les historiens ont-ils travaillé sur le sujet de l’Hôtel-Dieu ? Lény Charrier raconte ce long processus de reconstitution historique : “Nous avons été mandatés par la Ville pour mener une étude historique sur les hôtels-Dieu de la ville de Nantes, du XVIIe jusqu’à nos jours. Nous avons mis 3 mois pour consulter les archives municipales et départementales, les archives de l’Hôtel-Dieu et celles de Saint-Jacques et de l’Université de Nantes. Soit plusieurs milliers de documents que l’on a découverts, compilés, et à partir desquels nous avons pu écrire cette histoire des hôtels-Dieu nantais.” “L’objectif est d’analyser la documentation et les archives, pour aboutir au récit le plus solide de l’Histoire du site, des pratiques, des usages.”complète Pol Vendeville
Le bâtiment de la Faculté de médecine et de pharmacie, livré en 1968, relie directement l’Université à l’hôpital par plusieurs passerelles. (Construction de la faculté de médecine et de pharmacie Nantes, [façade sud]/[s.n.]. 19 mars 1965, [AD 44, 1078W 10].)
Un récit complet qui aide à formuler l’énoncé d’intérêt patrimonial.
L’étude historique donnera lieu à un rapport qui sera ensuite remis au groupe de travail spécifique constitué par la Ville. “En tant qu’historiens, nous sommes là pour l’aiguiller, donner l’Histoire, permettre une bonne connaissance du site. Plusieurs échanges vont avoir lieu ainsi qu’une visite, pendant lesquels nous allons noter les différentes “valeurs” portées par l’Hôtel-Dieu dans l’expression des participants : architecturale, artistique, mémorielle, la valeur d’usage…“ explique Lény Charrier.
Les bâtiments de la Faculté comptent 7 amphithéâtres universitaires. (Vue d’un amphithéâtre de 150 places de la faculté de médecine et de pharmacie [Chroniques conseil, 2024].)
Zoom sur : Pourquoi une étude historique et patrimoniale ? Tout comme l’inspiration citoyenne lancée en septembre et les inspirations des architectes présentées pendant l’exposition Europan 17, l’étude historique et patrimoniale vise à aiguiller la Ville de Nantes et la Métropole sur les transformations futures du site. Pour préparer le déménagement du CHU en 2027 ainsi que celui des facultés de médecine et de pharmacie en 2031, l’inspiration s’enrichit d’études pour approfondir l’histoire de l’Hôtel-Dieu, du XVIIe siècle à nos jours et de définir les éléments, matériels et immatériels, qui incarnent son histoire, ses fonctions, ses usages…Un “panel d’énoncé patrimonial” rassemblant des experts historiques, des soignants ainsi que des usagers du site, sera ainsi chargé de déterminer ce qui recouvre ou non un intérêt patrimonial. Ils produiront un document-socle sur les valeurs patrimoniales du site remis aux élus le 28 février 2025. À l’image de cette conférence, le rapport remis par les historiens sur l’Hôtel-Dieu contribuera à mettre en lumière l’intérêt patrimonial des différents bâtiments et l’organisation fonctionnelle de cet îlot, label XXe siècle depuis 2009*. *En 2009, le label « architecture contemporaine remarquable » a été attribué aux bâtiments de Michel Roux-Spitz par la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) |