Noms de rues, place à l’égalité : découvrez les 10 personnalités plébiscitées par les Nantaises et Nantais

Dialogue Citoyen, dans Initiatives citoyennes et engagement, Ville non sexiste, Patrimoine, mémoire et Egalité, solidarité, le 5 novembre 2025

Les résultats sont tombés : à l’issue d’une votation en ligne, les habitantes et habitants ont exprimé leur préférence. Découvrez en détails les 10 personnalités dont les noms orneront bientôt les futures plaques de rues, parcs et bâtiments publics de la ville.

Pauline Villeneuve, Gerty Archimède, Cathy Bernheim, Frantz Fanon, Aoua Keïta, Madeleine Riffaud, Thomas Sankara, Monique Wittig, Marsha P. Johnson, Malcolm X : connaissez-vous le point commun de ces personnalités ? Toutes et tous se sont engagés en faveur des droits humains (cf. leur biographie ci-dessous). Chacune et chacun, à leur manière, à travers leur combat respectif, participe à une histoire commune : celle de la résistance à la domination — coloniale, raciale, patriarcale ou hétéronormative (1).

Toutes et tous ont en commun d’avoir transformé la souffrance en force politique, et la révolte en horizon d’humanité. Elles et ils rappellent que la liberté et l’égalité ne sont jamais données mais bien un chemin de conquête.

Sur les dix personnalités ayant obtenu le plus de votes, sept sont des femmes et trois des hommes. Parmi les dix, une seule a un lien direct avec Nantes : Pauline Villeneuve qui a vécu au couvent Notre-Dame du Calvaire à Nantes.

Au total, 1 257 votes se sont exprimés en ligne ; les 10 premiers noms ont concentré 869 votes.

Cette démarche de dialogue citoyen s’inscrit dans le cadre de la politique « ville non-sexiste » menée par la municipalité depuis 2016. Elle vise à mieux représenter les femmes et les personnalités engagées dans la lutte pour les droits humains dans l’espace public nantais. À ce jour, seuls 9 % des 3 264 dénominations de voies et équipements publics sont des noms de femmes, contre 34 % pour des hommes (NDLR : les autres sont des noms communs). 

Conduit au printemps dernier, l’appel à idées “Noms de rues : place à l’égalité” invitait les Nantaises et les Nantais à proposer des noms de personnalités qu’ils souhaitent voir honorées dans l’espace public. Après analyse par les services de la Ville, 314 propositions ont été déclarées recevables au regard des critères de la consultation. Parmi ces propositions déposées par les habitants, 33 personnalités ont été retenues pour être soumises au vote des citoyennes et citoyens (jusqu’à trois choix possible) afin d’établir une liste prioritaire pour nommer les nouvelles voies et équipements de la ville.

Découvrez plus en détails leurs parcours ci-dessous :

Pauline Villeneuve (1697–1765) : l’esclave devenue libre à Nantes

1ère avec 195 votes

Née esclave en Guadeloupe, Pauline Villeneuve découvre en France métropolitaine la promesse d’un autre destin. Placée au couvent de Nantes en 1714, elle refuse de retourner dans les colonies et gagne, après un procès retentissant, son droit à la liberté. Cette victoire consacre le principe du “sol libre” selon lequel toute personne esclavagisée devient libre dès son arrivée dans l’Hexagone, affirmant ainsi la non-application en métropole du Code noir (2) qui régit les relations entre esclave et propriétaire.  Devenue sœur Pauline Rose de Sainte-Thérèse, sa vie a été mise en lumière dans l’exposition « L’abîme », présentée en 2021 au Musée d’histoire de Nantes. Celle-ci revient aussi sur le rôle joué par la ville dans l’histoire de la traite négrière et de l’esclavage outre-Atlantique.

Madeleine Riffaud (1924–2024) : l’esprit de résistance tous azimuts

2e avec 173 votes

À 19 ans, Madeleine Riffaud prend les armes contre l’occupant nazi. Résistante, puis poétesse et journaliste, elle consacre sa vie à raconter les luttes des autres : celle des ouvriers mineurs, des personnes colonisées, des malades. Militante communiste et anticolonialiste, elle couvre les guerres d’Indochine et d’Algérie. Dans ses poèmes comme dans ses reportages, cette femme relie le combat contre le fascisme à celui contre le colonialisme : un même refus de l’humiliation et de la servitude. Dans les années 1970, elle publie un récit-témoignage Les linges de la nuit après un mois en immersion dans un hôpital comme aide-soignante pour dénoncer les carences du système de soin français.

Monique Wittig (1935–2003) : l’écrivaine qui voulait défaire le genre

3e avec 91 votes

Pionnière du Mouvement de libération des femmes et cofondatrice des Gouines Rouges, elle fait de l’identité lesbienne un levier de la lutte féministe dans les années 1970. Pour cette théoricienne du féminisme matérialiste qui propose une critique radicale du langage sexué, écrire est un acte politique : transformer les mots pour transformer le monde. Dans Les Guérillères (1969) ou Le Corps lesbien (1973), elle imagine ainsi un monde libéré des catégories de sexe et de domination. Marginalisée au sein du féminisme français en raison de son lesbianisme, elle s’exile aux États-Unis en 1976 où elle enseigne et s’impose comme une référence des études de genre.

Frantz Fanon (1925–1961) : le psychiatre de la décolonisation

4e avec 85 votes

Médecin, penseur et militant au sein du FLN algérien, Frantz Fanon a mis en mots la violence du racisme et la quête d’émancipation des peuples colonisés. Né en Martinique, engagé dans la Seconde Guerre mondiale, il découvre le mépris colonial au cœur même de la République qu’il théorise dans Peau noire, masques blancs publié en 1952. Son œuvre majeure, Les Damnés de la Terre, écrite dans le feu de la guerre d’Algérie, devient une référence mouvements anticoloniaux. A la croisée de la psychiatrie, de la philosophie et du politique, son héritage intellectuel irrigue encore aujourd’hui les études post-coloniales et les réflexions sur l’émancipation.

Marsha P. Johnson (1945–1992) : un symbole afro-américain de la lutte LGBTQIA+

5e avec 71 votes

Militante trans et drag queen, Marsha P. Johnson est une icône populaire de la scène LGBTQIA+ et artistique de New York des années 1960 aux années 1990. En 1969, elle est au premier rang des émeutes de Stonewall, qui protestent contre le harcèlement policier à l’égard de la communauté queer. Elle devient une figure incontournable des premières Prides et cofonde en 1970 le collectif STAR qui offre soutien et logement aux jeunes transgenres et queers sans-abri. Activiste des droits des personnes séropositives, elle s’engage au sein de l’organisation Act UP. Noire, pauvre, transgenre, elle incarne la convergence des luttes contre le racisme, la misogynie et la précarité.

Thomas Sankara (1949–1987) : un leader africain au service du « pays des hommes intègres »

6e avec 61 votes

Président du Burkina Faso à 34 ans, Thomas Sankara incarne un symbole de la résistance à la domination coloniale et néocoloniale. Arrivé au pouvoir en 1983 après un coup d’État, il rebaptise la Haute-Volta en “Burkina Faso” — le pays des hommes intègres. Marxiste, panafricain et anti-impérialiste, il engage une révolution à la fois culturelle, sociale et économique. Il mène une politique fondée sur la lutte anti-corruption, le développement de l’agro-écologie, l’alphabétisation de la population et l’émancipation des femmes. Le 15 octobre 1987, il est assassiné lors d’un coup d’État conduit par son ancien ami Blaise Compaoré, qui dirigera le Burkina Faso jusqu’en 2014.

Cathy Bernheim (1946–2025) : une voix lesbienne du féminisme

7e avec 59 votes

Figure marquante du Mouvement de libération des femmes (MLF), Cathy Bernheim a fait de la liberté du corps et de la parole des femmes un combat politique. Signataire du Manifeste des 343, elle milite pour le droit à l’avortement. Elle co-fonde les Gouines Rouges, premier groupe lesbien en France. Biographe d’icônes féministes engagées comme l’intellectuelle russo-américaine anarchiste Emma Goldman ou l’afro-américaine Angela Davis, elle poursuit son engagement tout au long de sa vie. En hommage au 40e anniversaire du MLF, elle cofonde le blog Re-Belles en 2008.

Aoua Keïta (1912–1980) : la sage-femme du Mali libre

8e avec 54 votes

Première femme malienne élue députée, Aoua Keïta a porté la voix des femmes africaines à l’aube des indépendances. Formée à la médecine dans l’Afrique coloniale, elle devient sage-femme et militante syndicaliste avant d’entrer en politique. Son combat : arracher aux traditions et au patriarcat la reconnaissance des femmes comme actrices de leur liberté. Son engagement contre l’excision, le mariage précoce et la polygamie ainsi que pour l’éducation et l’autonomie politique des femmes fait d’elle une pionnière du féminisme africain.

Gerty Archimède (1909–1980) : la première avocate noire française

9e avec 45 votes

Née en Guadeloupe, Gerty Archimède est la première femme avocate noire inscrite au barreau français dont elle devient une figure avec sa défense des accusés de l’affaire dite des « 16 de Basse-Pointe », tous acquittés. Élue députée communiste en 1946, elle s’engage pour les luttes sociales et milite pour les droits des femmes avec notamment un projet de loi permettant aux femmes d’intégrer diverses professions judiciaires.

Malcolm X (1925–1965) : un défenseur des droits des Noirs

10e avec 35 votes

Mitant afro-américain, la jeunesse de Malcom X, né Malcom Little, est marquée par la violence de la ségrégation raciale qui sévit aux États-Unis. Rejetant son nom hérité de l’esclavage, il adopte X comme symbole de son identité. Converti à l’islam, il rejoint la Nation of Islam, une organisation suprémaciste noire dont il devient un porte-parole influent. Il s’en éloigne progressivement et fonde en 1964 l’Organisation pour l’unité afro-américaine. Il s’impose alors comme une figure de proue du mouvement américain des droits civiques et du panafricanisme. Le 21 février 1965, il est assassiné à Harlem lors d’un meeting.

Et ensuite ? 

Ces 10 personnalités viennent constituer une liste de noms à attribuer en priorité pour les prochaines dénominations de voies et d’équipements publics de la ville. Les noms restants, comme l’intégralité des propositions déclarées recevables lors de l’appel à idées, constitueront également un registre pour les futures dénominations.

En effet, le choix d’un nom par la Ville ne s’appuie pas seulement sur cette liste citoyenne, il est également guidé par l’histoire du quartier, la thématique des noms de rues du secteur ou encore les caractéristiques de l’équipement à dénommer.

Crédit photo : Rodolphe delaroque pour Nantes Métropole

(1) L’hétéronormativité désigne le système normatif de comportements, de pratiques, et de représentations favorisant et naturalisant l’hétérosexualité. S’appuyant sur une conception binaire et traditionnelle du genre (homme-femme), elle suppose que l’hétérosexualité est la seule orientation sexuelle ou seule norme “naturelle” ou “attendue”. Par conséquent, la vision hétéro-normale implique un alignement entre le sexe biologique, la sexualité et l’identité de genre, marginalisant ainsi les autres orientations ou identités.

(2) Désignant l’ordonnance royale de Louis XIV en 1685, le Code Noir légifère sur la condition des esclaves et encadre un certain nombre de pratiques coloniales : les dimanches et fêtes chrétiennes seront obligatoirement chômés ; une nourriture suffisante est exigée, de même pour l’habillement ; la séparation entre les époux et les enfants lors d’une vente est interdite, de même que la torture et les abus sexuels ; les maîtres ne peuvent tuer leurs esclaves ; et des limites sont fixées aux châtiments corporels.