Nouvelles solidarités : « Le bistrot a un rôle social et de solidarité majeur »

Nantes Nantes Métropole, dans Les Grands débats, le 8 avril 2022

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Laurent Messager (à gauche) et Gaspard Norrito, président de l’association « Ateliers de lecture » qui donne des cours de français aux migrants au café La Perle.

Laurent Messager était gérant du bar La Perle, dans l’emblématique rue du Port-au-Vin. Il vient de prendre sa retraite et le trio de barmen Stéphane, Simon et Régis prend la suite aux côtés de l’association Centre collectif culturel perlusien. Ensemble, ils témoignent du rôle social de leur bistrot, véritable outil au service des solidarités du quotidien. C’est aussi l’avis de Chloé Le Bail, directrice exécutive de l’association Cultures Bars-Bars, à laquelle adhère La Perle, qui souhaite que l’on élargisse le prisme des acteurs des solidarités au-delà des associations traditionnelles.

En quoi votre bistrot est-il un lieu de solidarité à Nantes ?

Notre volonté d’en faire un lieu mixte est née il y a 25 ans, d’abord d’un besoin commercial. C’est ensuite devenu la marque de fabrique de La Perle. Ici nous servons de base à de nombreux collectifs : étudiants alternatifs, féministes, partis politiques… Une trentaine d’associations gravite autour du lieu avec des offres variées : cours de français, chorale, ateliers d’écriture… Nous proposons aussi des expositions d’artistes et concerts en lien avec Cultures Bars-Bars. Quand je vois le nombre de bars qui font pareil aujourd’hui, je me dis qu’on a visé juste avant tous les autres ! Au bistrot, on discute, on échange beaucoup aussi. On peut faire de la solidarité très simplement, juste autour d’un plat du jour, en aidant à remplir des papiers, sans le cadre contraignant de l’institution. Nous sommes aussi ouverts sur l’espace public, avec le souci d’accueillir tout le monde. Ici, les SDF peuvent boire un verre d’eau ou recharger un portable, nous faisons partie du réseau de commerçants solidaires La Cloche-le Carillon.

Comment la crise sanitaire a-t-elle fait évoluer votre situation ?

Beaucoup d’habitudes se sont perdues avec la fermeture des bars. Il faut faire revenir les gens vers le centre-ville : ça va prendre du temps. On sent aussi que c’est une période avec beaucoup d’angoisses : le covid, maintenant la guerre. Ça renforce d’autant plus l’importance du bistrot comme lieu d’échanges et de solidarité. Un peu comme les coiffeurs d’ailleurs. Notre rôle social est aussi d’être ouvert la nuit : l’espace public se porte mieux avec des lieux ouverts. Plus il y en a, plus il est solidaire et accueillant pour toutes les populations.

Avez-vous un message à faire passer pour ces Assises ?

La solidarité est à la base de la pyramide humaine. C’est par la solidarité qu’on construit ensemble une société qui s’estime. Il est donc essentiel de laisser exister les solidarités qui naissent d’initiatives de terrain, de les soutenir, de les accompagner, sans systématiquement chercher à les encadrer ou les institutionnaliser.

Chloé Le Bail est responsable du collectif Cultures Bars-Bars. Elle souligne pourquoi les cafés et clubs nantais jouent un rôle essentiel dans les solidarités du quotidien.

Pourquoi contribuer aux Assises des Nouvelles Solidarités ?
Notre association est née il y a 20 ans à Nantes et fédère aujourd’hui 100 cafés et clubs nantais. Ensemble, nous œuvrons pour la promotion de ces lieux qui sont d’abord des acteurs sociaux, avant d’être des acteurs économiques. Nous faisons partie de la vie de la cité et nous voulons apporter notre regard sur le champ des politiques publiques, pas seulement celle de la sécurité et de la tranquillité publique à laquelle on nous associe trop souvent. Nous sommes des acteurs de la santé (lutte contre la sur-alcoolisation), de la lutte contre les discriminations, de la place des femmes, de la culture et des solidarités du quotidien. Derrière un comptoir, on est bien souvent psy, assistant social ou éducateur. Avec notre dispositif des cafés-citoyens, nous nous donnons aussi pour mission d’œuvrer à des nuits plus solidaires, plus « safe ». Enfin, il ne faut pas oublier notre rôle dans la lutte contre l’isolement. Pour beaucoup de personnes vivant seules, dont les plus âgées, le passage au café est un rite, un moment essentiel pour rencontrer des gens.

Avez-vous un message particulier à faire passer ?
Il me semble d’abord essentiel d’élargir le prisme de qui est acteur de la solidarité. Nous, les cafés et clubs, en faisons partie. Il ne faut pas non plus réduire la solidarité à la seule précarité. L’idée, c’est qu’il faut plus de solidarité à tous les niveaux pour faire face à la montée de l’individualisme dans notre société. La solidarité n’est plus un réflexe aujourd’hui, il faut la relancer partout dans la famille, à l’école, dans l’entreprise, en faisant travailler des producteurs locaux… Et nous pouvons être des acteurs majeurs de ces nouvelles solidarités.

En savoir plus : http://laperlecafe.fr/ et https://www.bar-bars.com/