Comment financer le renouvellement urbain ? Les professionnels partagent leurs idées.

Nantes Nantes Métropole, dans Les Grands débats, le 1 juin 2023

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Accompagnés par la chercheure et consultante en économie de l’aménagement Marie Llorente, une petite trentaine de professionnels se sont réunis mardi 23 mai pour partager des constats et imaginer des solutions nouvelles pour mieux financer la fabrique de la ville et son renouvellement sur l’existant. C’est le premier des 5 ateliers pros proposés dans le cadre du Grand débat. Les inscriptions sont ouvertes pour les prochains rendez-vous sur l’urbanisme circulaire, la nature en ville, le foncier et le logement.

« Aujourd’hui, les opérations immobilières ne sortent plus du tout sur notre secteur, s’alarme un aménageur. Ça ne nous était jamais arrivé ! On est coincés, sans parler des défis qui nous attendent sur le plan environnemental. » « 2023 s’annonce catastrophique sur les sorties d’opérations, confirme un acteur financier majeur de la construction. Quant aux opérations de renaturation qui s’imposent, elles ne sont pas financées. » Ce mardi 23 mai, le ton est donné en ouverture du premier atelier pro du Grand débat, consacré au financement du renouvellement urbain : la situation impose de faire évoluer les modes de faire.

Il y a urgence à sortir du blocage

« L’équation s’est tendue et chaque maillon de la chaîne de la construction est impactée, confirme Marie Llorente, chercheure en économie de l’aménagement, venue éclairer l’échange. En renouvelant la ville sur elle-même, le foncier s’est renchéri au coeur des agglomérations, il est plus complexe et plus coûteux à remettre en état, notamment s’il est pollué. Les normes écologiques et l’exigence croissante des citoyens ont aussi un impact ; le renchérissement des coûts de construction et la remontée récente des taux d’intérêt ont achevé de gripper le système. Face à cela, des collectivités expérimentent : « Rennes Métropole réfléchit à étendre le mécanisme de la dissociation du foncier et du bâti à tous les fonciers publics de façon à produire des logements plus abordables, poursuit la chercheure. Sur le plan partenrial, Bordeaux Métropole avec l’appui de l’agence d’urbanisme anime une conférence des partenaires de l’immobilier qui favorise le dialogue. C’est un premier pas intéressant, qui pourrait aller plus loin sur la définition d’engagements et d’incitations pour contribuer à une régulation du marché. » Pour Marie Llorente, on fait face à un changement de paradigme qui implique de mieux travailler sur le bâti existant à l’heure de la sobriété. « Il est urgent d’agir : il faut revisiter nos instruments, s’interroger sur le partage de la valeur et apprendre à travailler autrement ensemble et à la bonne échelle. »

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Nouveaux modes de faire, nouvelles coopérations

Réunis en petits groupes, aménageurs, promoteurs, agents des collectivités locales, urbanistes, notaire… proposent leurs premières idées. «  Comment une opération va-t-elle au bout ? » Pour l’un des groupes, mixer une diversité de produits immobiliers dans une même opération semble une bonne approche. Le bail réel solidaire (BRS) et le bail réel d’activité (BRA), qui permettent de scinder foncier et bâti, les intéressent tout particulièrement : « Les mentalités ont évolué, souligne un bailleur social. Les acheteurs cherchent une valeur d’usage. En remboursant leur prêt, ils vont se constituer un capital mais ils ne cherchent pas à capter de la plus-value. » Une notaire souligne quand même la difficulté à faire vivre les copropriétés constituées avec ces outils. Et un promoteur immobilier rappelle un autre pan de la réalité : « On doit prouver aux banquiers que l’on va pouvoir vendre notre projet et dans les lieux « premium », les investisseurs exigent des plus-values. » La table voisine s’est elle penchée sur le rôle des banques : « Il y a un enjeu à les embarquer avec nous, même s’ils ne sont pas présents aujourd’hui », remarquent les participants.

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Éclairer Nantes Métropole sur la fabrique urbaine de demain

Ce groupe insiste aussi sur la nécessité de revoir le modèle économique : « Il faut intégrer plus d’économistes dans les projets, dès l’amont, y compris dans les collectivités. » Et parle aussi d’assouplir les règles et normes. C’est également le point de vue d’une autre table qui propose de réduire les normes énergétiques et urbanistiques, comme la règle de stationnement. « On doit aussi reconstruire de la confiance entre acteurs en mettant à plat les bilans d’opération. Et réinventer la fiscalité, très favorable au neuf, alors qu’il s’agit de renouveler la ville ». Mais tout ça demande des financements et les collectivités font face à une baisse de leurs recettes. La dernière table suggère donc une approche plus radicale : mener des évaluations socio-économiques et environnementales pour chaque opération. « Il faut se poser la question de la négociation de l’exploitation d’une ville. La collectivité crée de la valeur d’usage mais n’en capte pas les bénéfices aujourd’hui. Si elle récupère une partie de la rente foncière, elle aura les moyens de réinvestir ce montant dans le renouvellement urbain ! »

Il est midi trente, Marie Llorente conclut après 3 heures d’échanges fournis : « On a couvert beaucoup de sujets : les banques, l’ingénierie, la confiance entre opérateurs, la redistribution de la charge et des bénéfices. C’est un travail collectif porteur, me semble-t-il ! » La contribution va être versée au Grand débat et éclairer Nantes Métropole sur les changements à opérer.

En pratique : Vous souhaitez participer à un atelier professionnel ? Candidatez pour les prochains rendez-vous : urbanisme circulaire (16 juin), nature (21 juin), foncier (28 juin), logement (5 juillet).

crédits photos : Ludovic Failler