Assises des solidarités : « Vivre à la rue fait perdre 20 à 25 ans d’espérance de vie »

Nantes Nantes Métropole, dans Les Grands débats, le 6 mai 2022

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Au cimetière Miséricorde, l’association « De l’ombre à la lumière » rend hommage aux personnes sans-abris nantaises.

Olivier Jobert préside l’association « De l’ombre à la lumière », ancien Collectif des morts de la rue, qui organise des cérémonies d’adieu aux personnes décédées ayant vécu à la rue. L’association œuvre pour la reconnaissance sociale de ces personnes très fortement désocialisées.

Quelles sont les missions de votre association ?

Nous assurons les démarches administratives et organisons les cérémonies d’inhumation des personnes décédées qui vivent ou ont vécu à la rue. Nous sommes aussi missionnés à la demande de la Ville de Nantes pour quelques personnes âgées isolées. Chaque année, nous nous chargeons de 25 décès avec une moyenne d’âge de 48 ans pour les personnes sans domicile : vivre à la rue fait donc perdre de 20 à 25 ans d’espérance de vie du fait de la dureté de la vie, de la maladie, du manque de soins… Dans notre société, les sans-abris sont devenus transparents. Avec ces cérémonies d’adieu, nous les nommons, nous retraçons leur vie pour dire qu’ils ont vécu parmi nous, malgré leur désocialisation et leur isolement. Chaque cérémonie est accompagnée par la Chorale Au Clair de la Rue. Chaque année, nous organisons deux cérémonies commémoratives, une le samedi qui suit la Toussaint, l’autre à la fin du mois de mars au cimetière de Miséricorde où la plupart de ces personnes sont inhumées, en lien avec le collectif national des Morts de la Rue. Et nous militons pour porter à 8 ou 10 ans le temps d’inhumation en terrain commun, contre 5 ans aujourd’hui à Nantes.

Comment la crise sanitaire a-t-elle impacté les personnes sans-abris ?

Lors des confinements, le système d’hébergement nantais d’urgence a très bien fonctionné avec l’ouverture de nombreuses places d’accueil. Par contre, les conditions d’inhumation ont été difficiles avec la restriction du nombre de participants possibles aux cérémonies, pour les personnes sans domicile comme pour le reste de la société. La crise sanitaire a rendu les choses plus difficiles sur les inhumations mais elle n’a pas eu d’incidence sur les décès des personnes à la rue proprement dit.

Pensez-vous contribuer aux Assises ?

Je trouve l’initiative très intéressante, même s’il n’est pas facile de nous sentir partie prenante de ce débat. La société a peur des sans-abris et de la mort et nous agissons à la croisée de ces deux sujets anxiogènes. Pas simple donc de recruter des bénévoles et de créer de nouvelles solidarités sur ce thème ! Il faut avoir une bonne connaissance du public pour s’engager et ça demande de la disponibilité car la mort ne se programme pas. Nos adhérents sont donc le plus souvent issus des réseaux s’occupant déjà des sans-abri : Les Eaux Vives, Brin de Causette, Saint-Benoît Labre, Restos du cœur, L’écoute de la rue

Avez-vous un message, une proposition à porter plus particulièrement ?

Ce que nous faisons est une conséquence de la précarité. Y remédier commence par la réinsertion par le logement et Nantes est une ville très bien structurée au plan de l’accueil de jour, de nuit et du reclassement dans le logement des personnes vivant à la rue. Mais quand quelqu’un est désocialisé, il n’est pas si simple de le faire réintégrer « notre monde à nous ». Quelques associations tentent des expériences, avec des formes d’habitats alternatifs, c’est peut-être une idée à creuser.