Assises des nouvelles solidarités : « La crise a amplifié le phénomène de mort sociale »
Daniel Vedieu est vice-président de l’antenne régionale Ouest des Petits Frères des Pauvres. Luce Rolland en est l’adjointe de direction. Ensemble, ils témoignent de l’action de l’association qui lutte contre l’isolement des personnes de plus de 50 ans, notamment celles en situation de précarité. Administratrice du Centre Communal d’Action Sociale (CCAS) de la Ville de Nantes, l’association compte bien s’engager pleinement dans ces Assises des nouvelles solidarités.
En quoi êtes-vous un acteur de la solidarité nantaise ?
Sur la Métropole, 9 équipes de proximité des Petits Frères des Pauvres sont engagées pour lutter contre l’isolement des personnes âgées. Ce sont 400 bénévoles mobilisés et autant de personnes accompagnées. Notre objectif : lutter contre l’isolement social des plus âgés et des plus précaires. Pour cela, nous proposons des visites à domicile et des actions collectives (accueil à la journée, sorties, séjours de vacances). Pour les personnes que nous accompagnons, nous sommes souvent l’unique relation sociale.
Comment avez-vous vécu cette crise ?
La crise sanitaire a amplifié le phénomène de « mort sociale » : aujourd’hui en France, on considère que 530 000 personnes ne rencontrent quasiment jamais personne, soit 75% de plus qu’avant la crise. Le premier confinement a marqué l’arrêt des visites à domicile : les bénévoles ont poursuivi l’échange par téléphone. Nous avons aussi créé un petit journal envoyé toutes les semaines aux personnes accompagnées et renforcé notre ligne Solitude écoute, une plateforme d’appels anonyme et gratuite qui fonctionne de 15h à 20h contre 18h auparavant. Mais des personnes se sont effondrées, il y a eu des décès dans la solitude.
La crise sanitaire a-t-elle eu un impact sur votre association ?
L’agir collectif sur lequel repose notre travail bénévole au quotidien a été mis à mal : les bénévoles ont beaucoup donné pendant cette période, sans possibilité réelle de partager les difficultés de cet accompagnement. Certains en sont sortis usés. L’enjeu aujourd’hui est de recréer ce fonctionnement collectif. En même temps, la crise a remis sur le devant de la scène la question de l’isolement : elle nous remobilise du fait de notre utilité, elle nous renforce dans notre militantisme.
Qu’attendez-vous de ces Assises ?
On s’est aperçu qu’on avait tendance à travailler un peu seuls. Depuis 2020, nous avons rejoint le Conseil d’administration du CCAS et celui de l’Office des retraités et personnes âgées de Nantes (ORPAN) en 2021. Ces Assises vont donc nous permettre de côtoyer d’autres associations, peut-être de faire émerger des projets ensemble. L’idée sera de mettre en valeur ce que nous faisons, d’ouvrir nos portes, peut-être à l’occasion du temps fort des Assises le 11 juin. Nous sommes aussi en train de préparer une journée sur l’isolement, avec la Ville et des partenaires, qui se tiendra le 25 avril. Notre objectif : apporter notre expertise au bénéfice du territoire, pour que les politiques publiques puissent évoluer au plus près des besoins.
Quel message avez-vous envie de porter plus particulièrement ?
On aborde surtout le public âgé sous l’angle de la santé, de la perte d’autonomie. Les personnes âgées sont trop souvent oubliées du volet solidarités. On souhaite vraiment que ces Assises puissent faire changer le regard sur ces personnes âgées isolées, et souvent précaires.